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 L'arrivée (E.D)

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Elzéar Dobson
Elzéar Dobson
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L'arrivée (E.D) Ge1t
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MessageSujet: L'arrivée (E.D)   L'arrivée (E.D) EmptyJeu 29 Mai - 22:43

L'arrivée - 1ère Partie

Elzéar jura.

Il ralentît sa monture, jusqu'à l'arrêter complètement, et jeta plusieurs regards alentours sans pouvoir déterminer sa position, ni trouver le moindre repère. Une dizaine de minutes plus tôt, la pluie battante qui le harcelait depuis qu'il était parti en avant des troupes, avait enfin cessé. Mais ce n'était que pour laisser la place à un épais brouillard qui s'était levé à une vitesse impressionnante. Il cracha par terre. Ce maudit pays ne lui avait pas manqué. De retour dans son royaume natal, après plus de sept ans passés à guerroyer pour tels ou tels seigneurs à travers l'Europe, il n'avait déjà plus qu'une envie : repartir sur le continent. De toutes manières, il n'avait aucune illusion sur la situation présente. Le Prince Louis et son armée n'allait sans doute pas tarder à les rattraper, et ils se feraient tailler en pièces, lui et les autres mercenaires à la solde de Jean-Sans-Terre. Autant partir maintenant. Mais s'il s'exécutait, il pourrait dire adieu à sa paie, chose qu'il ne pouvait certes pas se permettre en l'état actuel des choses. De plus, il avait déjà eu l'occasion de jeter un regard furtif sur le contenu de certains des chariots qu'ils escortaient... S'ils étaient attaqués, personne ne ferait attention à lui. Il n'aurait qu'à casser la serrure d'une des coffres à l'aide de sa lame, attraper ce qu'il pourrait et fuir la mêlée, couvert par le maelström de la bataille. Ce ne serait pas la première fois...

Elzéar s'ébroua mentalement. A quoi bon ressasser de telles pensées ? Il devait se concentrer sur l'instant. Deux situations possibles se présentaient à lui. Soit il était bel et bien perdu dans cette forêt humide et sombre, auquel cas sa prime deviendrait le dernier de ses problèmes ; soit il n'avait pas quitté sa route, et le reste des hommes ne tarderaient pas à le rattraper. Il n'aurait alors plus qu'à afficher un air maussade, autrement dit son masque habituel, et à leur adresser un vague « C'est dégagé. » avant de se joindre leur cortège en un pénible cheminement. Mais comment savoir ? Ce maudit brouillard...

Comme pour lui répondre, ou pour le provoquer, il se remît à pleuvoir. Elzéar pesta de plus belles et se mît à maudire cette terre putride dont il était né et qu'il aurait souhaité ne jamais revoir. Il se rendît enfin à l'évidence : il était complètement perdu. Il décida de reprendre son avancée, si futile qu'elle puisse être, et finît par trouver un arbre au feuillage suffisamment épais pour lui offrir une protection partielle contre le déluge qui l'avait depuis longtemps trempé jusqu'à la moelle. Il descendit rapidement de selle, attacha son cheval au tronc et desserra les sangles pour que sa monture puisse s'allonger sans gêne. Puis il se cala contre la base de l'arbre, et replia tout ses membres engourdis aussi près de son corps qu'il le pouvait. Enfin, grelottant, il chercha un peu de repos, en attendant que la pluie cesse et espérant ne pas attraper la mort. Lentement, péniblement, comme avec mauvaise foi, il finit par se laisser aller à un sommeil irrité et peu réparateur.

***

Une petite branche cassa au-dessus de lui, et toute l'eau qu'elle retenait se déversa d'un coup sur le visage d'Elzéar. Il se réveilla brusquement, mais sans esquisser le moindre geste. C'était un réflexe qu'il avait acquis après des dizaines et des dizaines de nuits passées à découvert, au milieu d'une clairière, aux abords d'un champs ou encore dans une chambre d'auberge dépourvue de verrou. Si quelqu'un se faufile dans votre campement, ou même dans votre tente, pour vous voler ou vous tuer et que vous vous éveillez en sursaut, l'assaillant aura largement le temps de vous sauter dessus et de vous planter une dague dans les côtes, ou de s'enfuir avec vos richesses. Mais si vous gardez votre sang-froid, que vous restez parfaitement immobile, et que l'intrus ignore que vous ne dormez plus... Là, vous aurez l'avantage. Les rôles s'inverseront sans que votre victime s'en aperçoive, et vous aurez alors tout le loisir d'attendre le moment propice pour l'attaquer. Cependant, dans la situation présente, Elzéar comprît bien vite qu'il n'y avait personne dans les environs. En fait, il était seul. Totalement seul. Il se redressa rapidement, et fît une constatation qui porta le coup de grâce à son moral déjà en berne : son cheval n'était plus là. « Foutue bestiole ! » maugréa-t-il en se levant péniblement. Comment avait-il pût rester inconscient alors que son seul moyen de transport s'enfuyait à travers les arbres et s'enfonçait dans l'obscurité ?  Au moins, ses armes étaient encore là. En effet, il nota d'un rapide coup d’œil que son épée, son arc et ses flèches étaient toujours à l'endroit où il les avait posé avant de s'endormir comme un benêt... Il jura à nouveau, contre lui-même, cette fois. Si un pillard avait voulu le détrousser ou l'égorger dans son sommeil, il aurait constitué une cible aussi vulnérable qu'un nouveau né. Quand à savoir s'il avait mal attaché les rennes autour du tronc ou si son destrier était parvenu à casser la corde du licol, il n'en avait aucune idée, et il s'en moquait. Un fait plus étrange détourna son attention d'une nouvelle qu'il aurait normalement mis plusieurs jours à digérer. Il tourna sur lui-même...

Quelque chose n'allait pas. De visu, il était parfaitement incapable de dire pourquoi, mais l'instinct dont il était pourvu, l'intuition qui l'avait guidé à travers maints périls lui criait « Danger ! ». Et il en ignorait la cause. La pluie avait bel et bien cessé. Mais le brouillard, lui, semblait avoir doublé, voire triplé d'épaisseur. Il ne voyait pas à plus de deux mètres autour de lui. Et ce voile fantomatique avait quelque chose de dérangeant, de malsain. Comme si chaque particule qui le composait avait juré la destruction du jeune mercenaire. Elzéar referma les doigts de sa main droite, recouvrant la paume sur laquelle s'épanouissait un tatouage représentant la croix cathare, seule marque encore visible d'un passé lointain... Si l'on omettait les cicatrices.

Soudain, le guerrier crût entendre une brindille se briser, derrière lui, dans la brume. Se retournant, il ramassa d'un geste vif son arc et, d'un même mouvement, tira une flèche du carquois posé juste à côté. Il tendît la corde et se tînt ainsi, prêt à tirer, pendant un long moment, aux aguets, balayant les environs de la pointe de sa flèche, sans même savoir ce qu'il visait. Après une minute, tandis que son bras commençait à montrer des signes de fatigue, il secoua la tête, et abandonna. Il détendît l'arc, retira le trait et le replaça dans son carquois. Puis il récupéra le reste de son équipement, étira rapidement ses muscles engourdis, avant de choisir une direction au hasard, là où il crût deviner un semblant de route.
"Perdu pour perdu..." bougonna-t-il.
Et il s'élança dans les ténèbres et le brouillard, maudissant une fois de plus ce satané bout de terre que l'on nommait Angleterre et qu'il aurait souhaité voir englouti par les flots, en représailles des tourments qu'il avait subi jusqu'à maintenant. Car c'était décidément une saloperie de mauvaise journée.
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Elzéar Dobson
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MessageSujet: Re: L'arrivée (E.D)   L'arrivée (E.D) EmptyVen 6 Juin - 14:03

Elzéar retînt un énième juron. Cela faisait une éternité, maintenant, qu'il progressait tant bien que mal, entre les arbres et à travers les ronces, sans entrevoir l'issue de son périple. Aucune clairière, nulle trace d'habitation... Et quand bien même il en approcherait une, saurait-il seulement la voir ? Non seulement la brume ne s'était toujours pas dissipée, mais de plus, les heures de marches s'étaient succédées, tant et si bien que le semblant de soleil qui éclairait vaguement l'environnement proche du guerrier avait été remplacé par un ciel sombre et humide, dans lequel on distinguait à grand peine une lune lâche et vacillante. Il n'aurait même pas été capable de retrouver le nord, s'il l'avait souhaité. A présent, Elzéar n'avançait plus qu'à force de trébuchements, de tâtonnements et de grands coups d'épée dans la végétation qui entravait sa route. S'il avait été en territoire ennemi, il n'aurait pas tardé à se faire repérer et cribler de flèches. Mais à cet instant, il s'en moquait. Cette brume le tourmentait et l'inquiétait, comme si elle lui chuchotait des bribes de menaces à son oreille, lui promettant des supplices dignes d'un damné, ou une mort atroce, laissant son esprit éreinté s'affoler et s'empêtrer lui-même dans les toiles gluantes de milles cauchemars. Malgré l'humidité et le froid, la sueur coulait dans son dos et sur ses tempes. Il devait impérativement sortir de ce maudit brouillard, même si cela devait le faire repérer des créatures infernales qu'il imaginait peupler les vapeurs spectrales qui l'entouraient.

Peu à peu, l'anxiété et la fatigue s'accentuèrent et devinrent panique et épuisement, entrouvrant la porte à la folie et la mort. Lorsqu'il s'en aperçût, Elzéar se força à s'arrêter. Il le savait, quelque soit la situation, paniquer n'était jamais la chose à faire, et constituait toujours un arrêt de mort. La bouche pâteuse, il cracha et prît plusieurs profondes et lentes inspirations, les yeux fermés. Il ne passerait pas la nuit s'il cédait à l'épouvante que lui procurait la brume. Hors, il devait survivre. C'était un combat qu'il menait depuis trop longtemps pour l'abandonner maintenant, et surtout pour s'avouer vaincu par une météo capricieuse. Il entreprît d'examiner sa peur et d'aller la combattre à sa source. En l'occurrence, l'origine de ses violentes angoisses se situait dans la brume, et des menaces qu'elle laissait planer sur lui. Les paupières closes, il mît toutes ses ressources et toutes son attention à examiner le silence morbide qui l'entourait et qui venait peser jusque sur ses épaules, afin d'y repérer d'éventuelles menaces. Rien. Nul de bruits de pas, même lointain, point de craquements de brindilles, aucun oiseau nocturne pour chanter... Même les claquements sourds des gouttes d'eau, qui avaient chu sur la forêt toute la journée durant, et qui aurait dû ruisseler le long des branches et sur le sols, étaient absents. S'était tout bonnement impossible. Voilà ce qui rendait l'atmosphère aussi angoissante, et qui avait poussé Elzéar à une panique aussi muette qu'insidieuse. Le mutisme qui régnait en ces lieux était surnaturel.

« Bon. Si oppressant qu'il soit, le silence n'a jamais tué personne. »

Rassuré par cette pensée et se félicitant de la tournure de sa phrase, il se détendît sensiblement. Au moins, il était seul. Il releva la tête et ouvrît les yeux. Tout comme il avait examiné le silence quelques secondes plus tôt, il entreprît de scruter le brouillard et l'obscurité. Assuré qu'ils ne recelaient aucune menace, le jeune homme avait à présent l'espoir qu'ils dissimulent son salut. Il chercha la silhouette d'une masure, ou la lueur d'une torche, n'importe quel signe indiquant une issue à cette pénible randonnée...
Et il trouva.
Loin, très loin, sur sa gauche, il entrevît une faible pointe de lumière, étoile salvatrice perdue dans l'obscure désolation qui l'entourait et l'étouffait. Aussitôt, il lui fît face et reprît sa route de plus belle, taillant et trébuchant, non plus pour fuir cette fois, mais bien pour atteindre son objectif. Plus il avançait, et plus Elzéar retrouvait son aplomb. Rasséréné, il connaissait sa destination et la direction à suivre pour l'atteindre. C'était tout ce qu'il demandait. Pour ajouter à son regain d'enthousiasme, il lui sembla que la brume s'étiolait et se retirait, peu à peu, à mesure qu'il approchait de l'héroïque flamme.

Soudain, alors qu'il se concentrait toujours sur la lumière et sa progression à travers la végétation, Elzéar trébucha. Inexplicablement, d'un pas à l'autre, le sol avait changé de consistance. Alors qu'une seconde auparavant, il était en train de patauger dans la boue et les feuilles mortes, son pied se posa sur une surface dure et lisse, qui lui rappela les chemins de rondes que l'on trouvait au sommet des murs qui ceinturaient les forteresses dispersées dans toute l'Europe. Grâce aux rayonnements d'une lune qui semblait gagner en confiance, à mesure qu'il avançait, il finît par voir qu'il marchait à présent sur une route pavée. Il s'arrêta net et fronça les sourcils. Il s'accroupît un instant, réfléchissant à toutes vitesses. Avant de s'enfoncer dans les bois, il pataugeait avec le reste de l'armée dans des marécages nauséeux et infestés de moustiques. Par-delà les bois, les attendaient de vastes plaines qui auraient dû les mener jusqu'au château de Newark. Aucun garde, aucune carte n'avait fait mention d'une route quelle qu'elle soit, et encore moins d'une voie pavée. S'il avait dû y en avoir une, il l'aurait emprunté sans hésiter, ce qui lui aurait épargné bien des péripéties. Premier détail, donc, cette route n'avait rien à faire là. Le second détail, celui qui hérissa Elzéar, c'était qu'il était désormais suffisamment proche, et l'environnement s'était finalement assez dégagé, pour lui permettre de distinguer l'origine de la lueur qui l'avait guidé jusqu'à la route. Il s'agissait d'une lanterne, comme on en trouvait parfois dans les grandes villes, perchée au somment d'un grand bâton tenu par une silhouette imposante, un homme d'après ce qu'il pût en juger. Et près de lui, une masse encore informe à cette distance, mais que l'expérience du jeune soldat lui permit d'identifier : il s'agissait sans aucun doute d'un chien, d'une stature des plus imposantes, qui plus est. Une sentinelle et son molosse. Dès que son esprit eût analysé ces informations, Elzéar rengaina silencieusement son épée, , saisît son arc, quitta la route pour se glisser derrière un arbre et encocha une flèche. Oubliant la fatigue et ignorant la morsure du froid, il laissa libre cours à son instinct de chasseur. Rapide et silencieux comme une ombre, il passa agilement de cachettes en couverts, s'approchant lentement mais sûrement des deux créatures. Enfermant ses craintes et ses doutes dans un petit coin de son esprit, il se laissa guider par une sorte de seconde conscience, une volonté qui lui était propre et qu'il avait passé des années à aiguiser : celle du traqueur venant à sa proie. Une fois qu'il eût réduit la distance de moitié, il se dissimula derrière d'épais buisson et entreprît d'examiner les nouveaux venus.

Sa vue et son instinct ne l'avaient pas trompé. Au milieu de la route, l'homme à la lanterne et son molosse étaient toujours là. Ils n'avaient pas bougé, et pour peu la lanterne n'eût pas permis à Elzéar de voir le visage du garde et les respirations trahies par la buée que les deux étrangers expiraient dans la fraîcheur nocturne, il les aurait confondus avec des statues. Perplexe, le guerrier réfléchissait à toute vitesse. Pour sûr, il lui était possible de décocher deux traits, un pour chacun des individus, les réduisant à un silence définitif. Mais il doutait fortement qu'il s'agisse de la marche à suivre. Premièrement, il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait, et par conséquent, de l'allégeance de l'homme à la lanterne. S'il le voyait, il pouvait aussi bien lâcher son chien et donner l'alerte que lui donner un toit et un lit pour la nuit. En outre, l'aspect des deux individus l'inquiétait. L'homme était vêtu étrangement. Il portait un large manteau de cuir qui lui couvrait tout le haut du corps, des épaules jusqu'au milieu des cuisses. Et il portait un chapeau tel qu'Elzéar n'en avait jamais vu. Cylindrique, il montait assez haut et son sommet était plat. Il comportait également un rebord incurvé vers le haut qui faisait tout le tour du la tête. Le garçon l'aurait volontiers jugé absurde s'il n'avait pas donné à l'inconnu un air aussi inquiétant. Quand au chien... C'était un animal terrifiant, d'une race qu'Elzéar n'avait jamais rencontré, aux pattes larges et puissantes. Sa mâchoire écrasée laissait apercevoir des crocs reflétant la flamme de la lanterne de son maître, doublant leur taille menaçante d'une aura presque surnaturelle qui enveloppait la bête toute entière. L'interrompant dans sa réflexion, la voix de l'homme déchira le silence dans un battement rocailleux.

« Vous êtes perdu, l'ami ? »

Aussitôt, Elzéar se plaqua au sol. A voir la façon dont l'homme avait posé la question, il n'avait encore aucune idée de l'emplacement exact du jeune chasseur. Cependant, il était bel et bien conscient de sa présence. Se redressant, Elzéar vint furtivement se cacher derrière un tronc suffisamment épais pour dissimuler deux hommes de sa stature. Il réfléchissait à toutes allures. Il n'avait pas compris ce que l'homme à la lanterne lui avait dit. Pis encore, il n'avait aucune idée de la langue qu'il utilisait. Il aurait aussi bien pu s'adresser à des acolytes pour leur ordonner de se tenir prêt à attaquer. Cependant, il n'avait perçu aucune menace dans la question. Se concentrant sur son ouïe, Elzéar sonda les environs. Hormis les respirations rauques des trois protagonistes, il ne détectait toujours rien d'alarmant. Il se décida, finalement, à répondre.

« Whirh art thy ? »

Il attendît, aussi tendu que la corde s'apprêtant à décocher, prêt à fuir ou à combattre. Il avait lancé la question dans la direction opposée de l'homme au molosse, vers les arbres. Des années à monter des embuscades et à se battre dans les forêt françaises et germaniques lui avaient appris qu'ainsi, sa voix se répercuterait d'arbres en arbres, avant de parvenir jusqu'à son étrange interlocuteur. L'écho semblerait venir de partout et de nulle part. A défaut de lui permettre de redevenir indétectable, ce stratagème le rendrait néanmoins impossible à localiser. Du moins, jusqu'à ce que le vent ne se lève et porte son odeur jusqu'aux narines de l’impressionnante créature. Si cela arrivait, il n'aurait plus d'autres choix que de les tuer tout les deux. Enfin, s'il s'en avérait capable... Car, outre la fatigue qui engourdissait peu à peu ses membres et qui risquait de le trahir si le combat s'avérait inévitable, il ne savait toujours pas à qui il avait affaire. Mais l'apparence et le langage de l'étranger laissaient croire à une peuplade encore inconnue, peut-être même douée de pouvoir magique, comme celles qui parsemaient les contes et les légendes de vieilles femmes. Il entendît l'homme maugréer dans sa barbe, avant de lui répondre.

« Je ne comprend rien à ce que tu racontes, mon gars. Allez, amène-toi ! Il fait diablement froid, ici, je ne tiens pas à passer la nuit sur la route. »

Elzéar ne comprit pas plus cette déclaration que la précédente. Cependant, le langage que l'homme utilisait commençait à lui sembler étrangement familier, par certaines sonorités. Il crût même saisir certains mot comme ceux de son propre langage. Malgré l'impatience qui pointait dans sa voix, Elzéar ne détectait toujours aucune menace dans les propos de l'homme à la lanterne. Aussi décida-t-il de risquer le tout pour le tout. Il sorti de sa cachette, s'engagea sur la route et vint se planter juste devant les deux gardiens, à une vingtaine de mètres à peine de leur emplacement. Il leur fît face, une flèche toujours encochée, se forçant à afficher l'air le plus assuré, le plus farouche et le plus féroce possible. Dès qu'il fût à découvert, les deux paires d'yeux vinrent se braquer sur lui, et suivirent sa progression jusqu'à ce qu'il s'arrête. Le vieil homme n'avait nullement l'air inquiété par Elzéar, pas plus que par l'arme qu'il tenait entre les mains. Le chien, lui, se contenta de s'asseoir en soufflant bruyamment. A les voir ainsi, une image traversa l'esprit du chasseur, qui se remémora une ancienne religion, une de celle venue de l'aube des temps, dont un soldat lui avait parlé au détour d'un feu de camp.

«  Where art we ? Am I dead ? », se risqua-t-il à demander.

En effet, à les voir ainsi, il eût pendant quelques secondes la certitude de faire face au vieux Charon et à son compagnon, Cerbère, les gardiens des enfers. Etait-il mort ? Était-ce l'au-delà ? Rapidement, il se débarrassa de cette idée. Cela n'avait rien à voir avec ce que la doctrine cathare lui avait enseigné, et il se trouva stupide d'avoir cédé à un bref accès d'inquiétude. Mais le doute persistait. Aussi le mercenaire restait-il sur ses gardes en attendant que l'homme daigne lui répondre. Pour toute réplique, son interlocuteur se fendît d'un léger sourire, indéchiffrable. De la main, il lui fît signe de le suivre et tourna les talons. Le chien se contenta de lui emboîter le pas d'une démarche tranquille. Prudemment, Elzéar se risqua à faire un pas, puis un autre, puis finît par marcher plus assurément à la suite des deux étranges compères. C'est alors qu'il remarqua, le long de la route devant lui, des bâtisses si imposantes qu'il s'étonna de ne pas les avoir vu plus tôt. En marchant, il les détailla rapidement. Tout comme le langage de l'homme à la lanterne, l'architecture de ces maisons lui était totalement étrangère, et pourtant, sans qu'il sache pourquoi, légèrement familière. Mais où cette satanée brume avait-elle bien pu le mener ?
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